L’eau se déversait en trombe sur ma tête et je sentais mes longs cheveux écarlates se plaquer contre mon corps. Je levai la tête vers le ciel et aperçu la lune qui scintillait à travers les milliers de gouttes qui tombaient devant mes yeux ambrés. Achevant le rituel de purification habituel, je m’écartai de la petite cascade qui me rinçait, faible copie de sa sœur qui représentait la fierté du village de Taki.
Il faisait nuit et vu l’heure qu’il était, aucun citoyen ne trainait dans les parages. M’allongeant quelques minutes dans l’herbe pour me sécher, j’étais très loin d’imaginer que quelques heures plus tard j’allais faire une rencontre aussi intéressante…
Ayant réenfilé mes habits, je ramassai mon masque d’ANBU et le fixai un instant avant de le placer sur mon visage. Entièrement noir avec pour seul ornement deux yeux doré effilés vers le haut, je ne ressemblais pas au ninja de l’élite de Suna habituels mais cette différence me servait plus qu’autre chose. Non seulement nous ne portions pas de bandeau de notre village afin d’être totalement anonyme, mais mon apparence un peu à part pouvait faire penser à mes adversaires que j’étais un déserteur ; de cette manière là je possédais de plus grandes possibilités de manœuvres… J’étais libre de tuer qui je voulais, d’affronter ce que je désirais… et de prendre mon temps en mission. Après tout, je travaillais en solitaire et je ne rendais des comptes qu’à mon kage. Et encore, j’admettais que ma fidélité n’était pas très sur… J’étais quand même une ex-nukenin de Kumo.

« Le jour ne va pas tarder à se lever, Kali-chan.
Oui, je viens de voir… Je vais faire un tour dans le village et on retournera à Suna.
Cela fait bien longtemps que je ne me suis pas abreuvée de sang…
Oui, et bien j’espère que ça va durer encore un peu. »

Lorsque je décidai enfin de repartir au pays du vent, l’après-midi était bien entamée. Je n’avais rien fait de spécial, je ne m’étais pas battue et j’étais fin prête à attaquer une autre mission. Celle que je venais d’achever avait été ennuyeuse au pas possible mais comme nous étions en manque d’effectif, il avait bien fallu que quelqu’un si colle et manque de chance, c’était sur moi que c’était tombé.
Réajustant mon masque afin qu’on ne voit que mes cheveux et mon corps, je me dirigeai vers la forêt qui bordait le village où peu de personnes y pénétrait. Je n’avais pas compris les raisons de cette crainte mais on m’avait expliqué que de ceux qui y allaient, rare étaient les gens qui en revenait. Je ne savais pas ce qu’il y avait dedans et cette annonce m’ayant excité la curiosité, j’avais décidé d’y faire un tour avant de m’en aller.
M’étant promenée je ne sais combien de temps parmi ses arbres lugubres, cette forêt était en réalité à mourir d’ennui. Il ne s’était rien passé, sauf peut-être un ours mal luné qui avait tenté de faire de moi son déjeuner mais à part cela… Tournant les talons, je posai nonchalamment ma main sur la garde de mon arme qui avait pour le moment la forme d’un long katana à la garde finement ouvragée.

« Ferme les yeux et vérifie s’il n’y a personne dans les parages.
Ce serait de la triche, être attaquée par surprise il n’y a rien de plus excitant…
Et de plus suicidaire, oui ! »

Alors que j’esquissai un sourire amusé, j’entendis les arbres bruisser étrangement derrière moi et je me tournai légèrement pour regarder par-dessus mon épaule. Une ombre furtive passa momentanément devant le soleil et je sentis un individu atterrir dans mon dos. Sa façon de se déplacer, sa vitesse et son agilité me permirent de comprendre qu’il s’agissait là d’un ninja, et pas d’un mauvais. Le village de Taki ne possédait pas une très grande puissance militaire, elle était même plutôt négligeable… C’était donc forcement quelqu’un d’une autre nation. Néanmoins, les plus grandes puissances étaient plus ou moins alliées, alors l’inconnu se serait forcement présenté au lieu de me menacer comme il était en train de le faire. Etait-ce donc… un nukenin ?

Qui es-tu ? Montre-toi ou je te tue.

La voix juvénile et masculine me tira un nouveau sourire. Décidemment, il n’y avait plus aucun respect de nos jours… La galanterie semblait être tombée aux oubliettes. Pivotant pour lui faire face, je posai une main sur ma hanche et gardai l’autre sur la garde de mon arme. Le fixant sans bouger d’un cil, il ne pouvait voir ni mes yeux ni mon visage à cause du masque. Il avait un physique plutôt avenant ; le type de garçon pour qui la plupart des filles craquaient au premier regard. Dommage, mais je n’étais pas la plupart des filles, chez moi, la valeur et l’intérêt d’un ninja résidaient dans sa force et dans son intelligence. Le physique passait en troisième plan… Heureusement, quelque chose me soufflait qu’il n’était pas trop prétentieux. J’avais horreur des gens à l’égo surdimensionné.
Il me disait de me montrer où il allait me tuer. Insinuait-il par là que je me cachais ou que le fait de porter un masque était aussi de la dissimulation. Il n’avait pas du fréquenter beaucoup d’ANBU, décidemment.

Je n’ai pas à me montrer, vu que je ne me cache pas. Répliquais-je d’un ton impassible, et la moindre des choses quand on aborde quelqu’un est de se présenter.

Cette rencontre prenait une étrange tournure. Il n’y avait pas d’animosité venant de moi car je faisais en sorte de rester calme en toutes circonstances, mais on voyait bien que je n’allais pas me laisser marcher sur les pieds. D’un coup d’œil, on pouvait aussi comprendre que c’était le genre de personne qui avait l’habitude de gagner et qu’on lui obéisse. La suite se déterminait donc en deux possibilités : soit ça passé, soit ça cassé. Moi qui avais scrupuleusement évité les combats durant cette dernière semaine, ce serait vraiment le comble que je doive affronter quelqu’un la veille de mon retour. Mais s’il continuait à vouloir affirmer son autorité sur moi, ce serait forcement ce dernier choix qui arriverait… et je souhaitais y parvenir.

« Si jamais il veut se battre, tu me laisses sortir et on lui fait sa fête.
Merci, je suis capable de me débrouiller seule…
Non, tu es beaucoup trop conciliante avec tes adversaires.
Il faut être gentil dans la vie et…
Ferme là. »

Mes deux consciences me firent encore sourire mais je ne bougeai pas, gardant ma pose mi-défensive, mi-neutre. Il avait menacé de me tuer. J’avais atteint la vingtaine récemment, je ne comptais pas en terminer maintenant…
Affermissant ma main sur mon katana, un frisson imperceptible parcouru ma colonne vertébrale. La violence… J’y avais connu durant de longues années et j’y avais pris gout. Je m’étais soignée depuis, mentalement et physiquement alors s’il vous plait, ne rouvrez pas mes plaies… Cela pourrait être fatal à moi comme pour n’importe qui.